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Sueños Madrileños
22 octobre 2007

Gorz est mort ! Vive Gorz ?

Salut à toi ami lecteur,

Cela fait maintenant déjà un mois qu'André Gorz s'est éteint. Même le non-initié à l'écologie que tu es peut-être, doit garder une petite idée, au moins savoir qui il était. La mort d'un des plus grands philosophes de l'écologie politique française n'est pas passée totalement inaperçue. Comme quoi, même un intellectuel critique de son temps, du capitalisme, de la société de consommation, du rapport salarial, un penseur ex-marxiste resté influencé par son époque, critique des dérives maoïstes et un militant acharné de la cause antinucléaire peut encore atteindre une véritable reconnaissance. Certes, ce n'était pas Sartre. Je lisais il y a quelques jours, la notice sur Sartre dans Wikipédia. On y relate sa mort et l'onde de choc qu'elle a suscité dans le monde entier. On y relate surtout cette marche de 50000 personnes pour son enterrement que ma grand-mère me racontait il y a quelques années. Et puis, il y a cette phrase : "mot d'un jeune homme à son père : « je suis allé à la manif contre la mort de Sartre ».". Gorz n'aura pas eu droit à sa manif, il n'était de toutes les manières pas l'homme des grandes actions surtout ces dernières années. Il vivait depuis des années replié dans sa campagne avec sa femme avec qui il s'est suicidé ce 24 Septembre 2007. C'était d'ailleurs pour ma génération qui le découvrions sur le tard, une grande frustration que de lire avec acuité les pensées d'un philosophe que nous ne connaitrions jamais, bien qu'ayant partagé avec lui un bout de siècle.

Gorz aura eu droit à d'autres types d'hommages, jusqu'aux plus hautes fonctions, puisque même Sarkozy ira de son éloge funébre. La blogosphère écolo y fait largement référence et à lire les commentaires on est étonné par la taille de son public ou du moins de ceux qui le connaissent, malheuresement plus souvent chez les socialistes éclairés que les écolos convaincus. Lipietz raconte son rapport propre à Gorz, Jean Zin essaye de reprendre les grands traits de la pensée de Gorz et l'influence qu'il a eu sur lui et sur le site des Verts, Yves Frémion dans une série sur l'histoire de l'écologie podcast la contribution de ce penseur à l'écologie. Je n'ai pas la capacité et le talent pour relater son oeuvre, si tu y portes un quelconque intérêt les différents articles sur le web le font bien mieux que moi.

Mais il n'en reste pas moins une question omniprésente : que fera t'on maintenant de Gorz? Vivra t'il au-delà de son propre parcours et restera t'il gravé dans nos parcours de pensée pour la génération qui comme moi ne l'a pas connue? Les écologistes se lamentent sur la disparition des grands penseurs de l'écologie, mais ils sont eux-même incapable de faire exister les relais pour transmettre la pensée de ces pères. Pour ma part, j'ai découvert Gorz seul, dans un article d'Ecorev, sans qu'aucun ne m'indique les meilleures lectures. A force de vivre dans la recherche du matériel et du scientifique, les écolos en oublient d'écrire leur histoire, de construire leur propre récit et d'élaborer leur propre corpus à la différence des marxistes qui puisent eux dans leur histoire. En Espagne, les oeuvres complètes d'Illich viennent d'être réédités : à quand une écologie qui se donne les moyens de faire diffuser ses classiques en France dans d'autres éditions que les épuisés des années 70?

Il n'y a aujourd'hui pour notre génération plus de monstres vivants, plus de Sartre ou de Camus. La fin du temps des maîtres à penser est-elle souhaitable, je n'en suis pas sur. Mais c'est notre rôle et notre devoir que ceux qui ont apportés leur contribution à une manière de voir le monde continue d'être partagés. Et essayons de ne pas le faire comme à l'image de Sartre, autant adulé qu'il fut en son temps il semble aujourd'hui remisé au placard.

Enfin, c'est surement mon côté non pas macabre, mais bien fleur bleue, qui reste ému par les conditions de cette mort. Une émotion que Cécile a bien su traduire dans son hommage. Dorine et André se sont suicidés ensemble, cela faisait longtemps qu'elle était malade, gravement malade et qu'il n'en pouvait plus de la voir souffir. Une mort à deux, une mort d'un couple aussi belle que tragique. Et aucun lecteur ne devrait laisser de côté sa Lettre à D., dernier ouvrage publié par A.Gorz. Si Gorz n'est pas Sartre, il nous relie à Sartre, il fut son camarade, son compagnon de route aux Temps Modernes, son disciple tout en sachant marquer la distance. J'ai eu un soulagement en lisant les premiers articles sur Doris Lessing juste après son Prix Nobel où elle démonte l'idée d'un couple idéal incarné par Sartre et Beauvoir. Au contraire son écriture, raconte aussi le plaisir qu'il peut y avoir à vivre ensemble et à la vie familiale. C'est une part de l'héritage que Gorz me laisse sans donner de testament moral, il nous montre qu'il n'y a pas de fatalité à la vie de couple et à l'expérience de la vie à deux. C'est ce que ma courte vie m'a aussi appris, je la conçois même comme l'une des plus grandes joies, cette vie de couple si souvent considérée comme conformiste alors qu'elle peut être à la fois tout et rien.

Non, nous ne sommes pas si orphelins de Gorz, si nous le voulons c'est à nous de le faire vivre lui, les anciens et leurs successeurs que nous aurons le plaisir de voir venir.

A très bientôt,

Stéphane

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Commentaires
S
j'ai beaucoup aimé lettre à D. Le "message" sur la vie de couple est touchant et vient en effet contredire l'expérience de Sartre Beauvoir, que j'ai toujours pensée "bidon", pour reprendre les termes de Doris Lessing que j'admire et dont je viens de lire les grans mères.
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